Horrible, dégoûtant, affreux, pitoyable, tels sont quelques-uns des adjectifs qu'on pourrait utiliser pour décrire l'aspect d'une partie du centre-ville ce matin. Du lycée Réda Houhou et jusqu'à la brèche, tout le long de la rue Didouche Mourad, impossible de marcher; on se croirait dans un souk et pas le meilleur. Des vendeurs se sont installés tout au long de la rue. Oui, c'est vrai, on est habitués à retrouver des vendeurs à la sauvette dans cette rue, mais certainement pas comme aujourd'hui, certainement pas autant. Les trottoirs sont complètement occupés, à droite comme à gauche. Pire encore, même le milieu de la chaussée est occupé par endroits; vêtements, tapis, biscuits, coran, vaisselle, petites babioles diverses, sous-vêtements, tout, absolument tout y était. Je vous jure qu'il n'y avait aucune différence avec Souk El Khroub dans ses grand jours des années 80 ou 90. Mes yeux cherchaient partout les vendeurs de moutons et de vaches, les vendeurs de paille et de foin, seuls eux manquaient à l'appel.
ça criait de partout, tous les vendeurs criaient. On entendait les cris depuis la grande poste. Et avec tout ça, un monde fou. On dirait que toute Constantine était rassemblée ici, on dirait que ce qui se vendait dans cette rue n'existait nulle part ailleurs. Il m'a fallu très exactement 20 minutes pour traverser la rue. Vous me direz que je n'avais rien à faire là, je vous dirai que j'y suis allé pour voir de mes propres yeux ce qu'on me racontait depuis deux jours : l'exécution de Constantine.
Pourquoi? Pourquoi avez-vous massacré la ville? Pourquoi vous l'avez transformée en Douar (bien que je n'ai rien contre les douars)? Pourquoi je ne reconnais plus ma ville? Tout ça pour que ces jeunes se la ferment et qu'ils oublient de penser à leurs problèmes quotidiens? Tout ça pour éviter des émeutes potentielles? Je vous hais messieurs les incompétents, vous qui êtes en train de tuer ma ville, vous qui lui avez ôté sa beauté, son charme et ses titres de noblesses, vous qui l'avez transformée en une vieille fille, toute ridée, que personne ne veut fréquenter.
C'est votre ville, ce n'est plus la mienne. Ma Constantine à moi n'a rien à voir avec votre dépotoir; ma Constantine à moi restera dans mes souvenirs, dans mon inconscient; ma Constantine à moi me rappelle des odeurs de jasmin et une odeur de roses mélangée à la légère brise matinale qui caresse les vendeurs de fleurs d'antan, pas l'odeur de mahdjouba tout au long de la rue de France; ma Constantine à moi, celle qui est dans mes souvenirs, porte toute la beauté du monde en elle, et pas les stigmates de désolation que vous lui avez infligée.
Je vous hais ......